BONSAÏ : UN ART DE VIE ?
La notion d’art varie entre les époques et les civilisations.
Ainsi, cette notion était absente en Europe au Moyen Age : les architectes des cathédrales, les sculpteurs des chaires et retables, ainsi que les peintres des églises étaient des artisans dont la qualité du travail était appréciée mais, en aucune manière, le terme d’artiste ne leur était associé.
La notion d’art réapparait à la Renaissance, avec l’inspiration que cette époque prend dans l’Antiquité.
Les six arts majeurs du monde antique (architecture, sculpture, peinture, musique, poésie et théâtre) sont à nouveau au goût du jour.
Depuis le début du XX siècle, s’y sont ajoutés le cinéma, la photographie et dernièrement, la bande dessinée … Parmi eux, point de bonsaï !
Mais qu’est que l’art ?
La question est de nature philosophique et nous ne l’aborderons que sur quelques points clés, puisés (presque) au hasard de nombreuses définitions :
« L’art s’adresse à aux sens, aux émotions et à l’intellect … »
La vue, le toucher, voire l’odorat sont mise en œuvre face à un bonsaï. L’émotion suscitée par la proximité d’une nature maîtrisée nous touche. Les questionnements faces aux intentions de celui qui l’a créé nous interpellent.
« L’art est une activité typiquement humaine et inutile … »
L’inutilité de la pratique du bonsaï, en comparaison avec celle des aux neuf arts reconnus, est évidente ; encore peut-on s’interroger la réelle inutilité de l’art.
« Est considéré comme art ce qui est communément perçu comme tel … »
ou
« L’art existe dans la mesure où il existe des Artistes reconnus … »
Le développement du bonsaï à travers le monde entier a, au cours de ces quelques dernières dizaines d’années, en association avec le développement des moyens de communication visuelle, favorisé la reconnaissance de nombreuses personnes, non seulement japonaises, mais également européennes ou américaines qui parcourent les différents pays du mondes avec leurs créations.
« L’art est opposé à l’«anarchie» perçue de la Nature … »
Le bonsaï étant avant tout une plante, certes guidée et maîtrisée, cette affirmation questionne.
On peut s’interroger sur qui, de la nature ou de l’homme, définit la notion du « beau », historiquement lié à l’art, même si le siècle dernier a relativisé cette notion.
En effet, les règles de construction ou de composition communément utilisées dans l’art (nombre d’or, suite de Fibonacci, …) sont issues de la modélisation mathématique de réalités de la nature. La composition des tableaux des maîtres classique ou des temples grecs reprennent ces proportions présentes dans des fleurs de tournesol ou des cristaux de quartz.
La nature n’est donc pas anarchique : l’homme a repris ses constructions pour édifier ses œuvres d’art.
« L’art existe s’il existe un marché de collectionneurs … »
Signe des temps peut-être, le marché des bonsaï existe bel et bien dans le monde, même s’il est limité par des normes phytosanitaires d’importation dans de nombreux pays.
Les prix peuvent être exprimés avec cinq à six chiffres ... et pas seulement en yens !
La pratique du bonsaï présente la particularité de reposer sur le vivant.
La vie que l’on donne en plantant des graines et en suivant la croissance des arbres au cours des années.
La vie que l’on initie au-delà de la nôtre : les espèces cultivées en bonsaï peuvent avoir des espérances de vie de plus de mille ans. De plus, cette durée peut même être prolongée en pot dans la mesure où les soins apportés quotidiennement préservent les bonsaï des dangers auxquels sont soumis les congénères dans la nature : insectes, maladie, intempéries …
La vie également de l’écosystème complet présent dans un pot : des bactéries du sol, à l’arbre lui-même, en passant par l’indispensable développement des mycorhizes et des insectes.
La pratique du bonsaï influence notre vie toute entière.
Elle nous donne une autre perspective que celle d’une jouissance immédiate en s’inscrivant dans une construction qui, d’une part, s’étale sur plusieurs années et, d’autre part, pourra nous survivre sur plusieurs générations.
Elle nous permet de nous réinscrire dans une pratique intimement liée au rythme des saisons, condition sine qua non à la réussite.
Elle nous amène à une création permanente, attentive aux réactions de l’arbre qui répond à nos travaux en fonction de sa nature propre.
Elle nous contraint à une attention quotidienne, voire multi quotidienne en cas de sècheresse, à cet « autre ».
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dernière mise à jour : 27 novembre 2023